Podcasts d’enseignement : oui, ça existe et oui, c’est utile !

En ce début du mois de janvier, pendant que je corrige encore les évaluations finales de mes L1 et avant que mon cerveau ne s’éloigne trop de l’enseignement à l’université , je voulais vous parler d’une autre découverte que j’ai faite au premier semestre, grâce justement à cette expérience d’enseignement dont je vous ai déjà fait le bilan.

De l’ampleur de mes lacunes…

C’était la première fois que je donnais des cours à la fac en France. Et pour tout vous dire, vu que j’ai fait toutes mes études en Italie (comme je vous l’explique dans mon histoire), je n’avais absolument aucune idée de ce à quoi un cours de licence ou de master pouvait ressembler dans le pays hexagonal. Mine de rien, on a tendance à se dire que ça va être un peu différent des cours que l’on suit en doctorat… Par exemple, je ne savais que très approximativement ce qu’est un TD ou un TP. Et pour l’évaluation, j’aurais seulement été capable de dire qu’elle est pour la plupart écrite, au lieu qu’orale comme en Italie.

Cela vous semblera peut-être sans espoir, mais moi, désormais, j’ai bien l’habitude de me trouver dans des situations pareilles. Je pourrais vous raconter de quand je suis arrivée en France et j’ai découvert ce qu’était la carte bleue, par exemple. Ou alors de ma première rentrée au collège, quand je ne savait pas ce qu’était un CPE ou une permanence. Au lycée, plus tard, j’ai dû apprendre l’identité des DST et du CVL.

Et cela n’est que le plus facile ! Rien à voir avec, par exemple, la fois où j’ai appris le mot « hoquet » pendant un cours de 6ème… pour ne pas parler de deux jeunes filles de 4ème qui sont venues me voir pour s’assûrer que je connaisse bien le sens du mot que l’un de leurs camarades avait plusieurs fois glissé discrètement dans sa lecture expressive, en suscitant le scandale de tout le monde. Le mot était « baise ta reum » et je ne l’avais jamais entendu de ma vie…

Ce qu’on apprend sur le taf

Mais peu importe. Car, quoi qu’il arrive, il y aura toujours des choses pour lesquelles on ne sera pas préparés. Et heureusement, quelle que soit l’ampleur de nos lacunes, on peut toujours apprendre sur le taf. Dans l’éducation nationale, si vous avez suffisamment de chance et qu’il n’y a pas de pandémie en vue, vous pourrez toujours compter sur des formations qui vont vous apprendre tout ce que vous avez besoin de savoir. Enfin presque, car la liste omnicompréhensive des gros mots utilisés par les élèves de 4ème n’est même pas contemplée dans les dictionnaires.

Et de toute façon, vous trouverez toujours un collègue pour vous aider. C’est ainsi que j’ai survécu, depuis mon arrivée en France, à travers toutes les étapes du cursus scolaire, de la 6ème au post-bac. Et encore aujourd’hui, la plupart des nouvelles idées qui me viennent à l’esprit dérivent des discussions informelles qui se tiennent entre deux ordinateurs dans la salle des profs. De la même manière, dès mon arrivée à l’université, l’aide des collègues qui m’ont recrutée m’a parmis de définir mon plan de leçons de cours magistral ou la manière dont j’allais organiser l’évaluation. Je ne dis pas que je l’ai fait de manière parfaite, car il y a toujours quelque chose qu’on peut améliorer, mais c’était plus que suffisant pour commencer.

La solitude des vacataires (confinés et non)

Et pourtant, au delà de ces contacts initiaux, j’ai vite découvert que le monde des vacataires est un univers solitaire. Pour commencer, vous ne pouvez pas être sur place tous les jours, car vous avez un autre travail à côté. Dans mon cas, les trajets étaient si longs pour rejoindre mon domicile, que je ne restais pas très longtemps avant ou après mes heures de cours. De plus, évidemment, il n’y a pas de salle des prof, mais seulement des bureaux partagés avec une poignée de collègues, qui ne sont souvent pas là le même jour que vous. Et puisque, vous avez rarement assez de temps de pause pour vous permettre de déjeuner à la cantine, vous ne pouvez même pas espérer de rencontrer beaucoup de monde au moment du déjeuner. Si déjà au lycée on est beaucoup plus isolés qu’au collèges, l’université détient de ce point de vue la palme. Je ne vous dis pas, alors, quand à tout cela vous ajoutez la covid-19…

Or, si j’apprécie énormément les moments de travail individuel et de concentration solitaire (difficile d’être chercheur en sciences humaines, sinon), je n’en reste pas moins un animal d’équipe. J’ai besoin d’être entourée par des collègues avec qui échanger les idées, du moins de temps en temps, ou j’ai très vite l’impression que mes efforts sont vides de sens. Du coup, quand le confinement a commencé après les vacances de la Toussaint, j’ai tout de suite ressenti le poid de l’isolement forcé qui en est dérivé. De plus, étant donnée ma situation, je ressentai un très grand besoin de me former, sans en avoir absolument le temps.

Le merveilleux univers des podcasts (d’enseignement et plus)

Or, il faut savoir que l’année dernière, justement à l’époque du confinement, je me suis rendue compte qu’une bonne manière de garder la motivation pour les longues journées de travail à la maison était pour moi d’écouter, le matin, un podcast qui me mette dans le bon état d’esprit. En effet, on peut écouter pendant qu’on fait autre chose et le style est souvent suffisamment informel pour que l’écoute ne demande pas un très haut niveau de concentration. Au début, j’ai commencé par des ressources sur la productivité et le développement personnel, qui circulent par milliers en ce moment. Puis, j’ai trouvé des podcasts spécialisés en histoire ancienne ou en archéologie, dont certains sont vraiment réjouissants.

Et alors, au plus haut de ma crise de solitude aigue, une pensée s’est soudainement formée dans mon cerveau pendant que je prenais tranquillement mon petit déjeuner. Et s’il existait des podcasts consacrés à l’enseignement ? Une rapide recherche sur mon application de lecture de podcast et j’ai eu le sentiment d’ouvrir le vase de Pandore…

Eh oui, car il y en a énormément, c’est presque incroyable. Mais attention : pour la plupart, il s’agit de ressources en anglais. J’en ai testé plusieurs, mais je veux là vous signaler les deux qui sont actuellement mes préférés :

• tea for teaching qui se doit au « Center for Excellence in Learning and Teaching » de la State University of New York at Oswego. Les hôtes sont John Kane, un économiste, et Rebecca Mushtare, une graphic designer (je refuse de dire ce mot en français, désolée). Chaque semaine, ils interviewent un collègue qui partage une expérience d’enseignement ou le résultat d’une recherche sur le même sujet. Le ton se veut informel et le podcast gagne quarante mille millions de trillions de points « radical chic » pour le fait que, au début de chaque épisode, chaque participant doit annoncer publiquement quel type de thé, tisane ou autre boisson il est en train de boire… How luxurious, right ? 😍

• Teaching in Higher Ed où Bonni Stachowiak, professeur et « dean of teaching and learning » à la Vanguard University en Californie, interviewe elle-aussi chaque semaine en expert de différentes thématiques liées à l’enseignement et à l’éducation. Le podcast s’accompagne à un site internet très développé avec notamment un blog et beaucoup de ressources en complément. Aussi, le logo est trop cool… double 😍

Donc, comme je vous le disais, le ton est informel et l’on peut écouter plus ou moins distractement pendant qu’on fait autre chose. L’intérêt, en tout cas pour moi, est que l’on est rappelé de l’intérêt et de la richesse de notre travail et que, par ci, par là, on peut glaner des idées intéressantes. Pour preuve, et pour finir ce long billet, je vous en donne un exemple concret.

Le « metacognitive café » (parce que je le vaux bien, quoi…)

Surtout, ne vous laissez pas impressioner par le nom, que certains d’entre vous trouverons peut-être « impossibly pretentious ». En réalité, il n’y a rien de plus simple : il s’agit de créer un espace de discussion virtuel où les étudiants puissent échanger régulièrement sur leurs pratiques et méthodes de travail, ainsi sur ce qu’ils ont appris pendant votre cours. Pour que les étudiants y aillent, on rend la participation obligatoire en demandant à chaque étudiant de partager sa réponse personnelle à quelques questions simples, mais aptes à susciter le dialogue : « que pensez-vous de… », « qu’est-ce qu’il vous a semblé plus intéressant dans… », « qu’est-ce que vous préférez entre… » et ainsi de suite (si vous voulez des exemples de questions, vous en trouverez plein dans un document google dont le lien est partagé sur cette page du site Beyond another Paper).

De la manière où je m’en suis servie, j’ai fait encore plus simple et j’en ai profité pour vérifier la lecture d’un article que je leur avais trasmis pendant les cours à distance. J’ai piqué l’idée à Rebecca Mushtare, qui en parlait justement dans tea for teaching en faisant référence à son expérience avec des cours d’histoire de l’art. Les questions étaient « que saviez-vous de ce sujet avant de lire l’article ? qu’avez-vous appris de nouveau grâce à votre lecture ? ». Comme vous le voyez, c’est d’une simplicité désarmante et le temps de préparation pour vous équivaut à la lecture de l’article, que vous aviez de toute façon déjà faite… 😉 Mais ça présente l’intérêt de faire réfléchir les étudiants à la fois sur les notions apprises et sur l’utilité de la lecture à la maison. Vous pourriez croire que ça ne marche pas, mais en fait ils commencent assez rapidement à échanger leurs avis et à se repondre les uns les autres, en allant au-delà de ce qui leur avait été demandé au départ. Et c’est toujours ça de gagné, non ?

Si vous avez MOODLE, vous pouvez faire ça avec l’instrument forum, qui vous permet aussi d’évaluer les réponses au fur et à mesure que vous les lisez, ainsi que de personnaliser beaucoup d’options sur ce que les étudiants auront ou non le droit de faire. J’avoue que je n’ai moi-même pas encore exploré toutes les potentialités de cet instrument, mais je peux vous renvoyez à ce tutoriel que je prévois de lire à fond avant de recommencer l’année prochaine.

Pour finir, j’ai essayé la même chose avec les lycéens et les étudiants en BTS… ça peut marcher aussi, mais c’est un peu plus compliqué sans la puissance de tir de MOODLE.

Et voilà tout, donc. Et vous, est-ce que vous aviez jamais écouté des podcasts d’enseignement ? Qu’en pensez-vous ? Quelles autres manières avez-vous trouvé pour vous motiver dans ces jours de confinement solitaires ? J’ai hâte d’entendre vos commentaires ! 🙂

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