Eh bien oui, comme les Pompéiens, je suis née aussi à l’ombre du Volcan. Après avoir développé une insaine passion d’enfant nerd pour la mythologie et l’histoire ancienne, j’ai finalement appris le latin et le grec ancien dans le Lycée Classique le plus ancien de Naples.
J’ai eu ensuite la chance inouïe d’être admise à la Scuola Normale Superiore de Pise, qui était à mes yeux pratiquement l’équivalent italien et bien réel de Hogwarts (excusez-moi mais je n’arrive vraiment pas à l’appeler Poudlard). De ce fait, je suis devenue une « normaliste », plutôt qu’une « normalienne », et je m’en suis allée continuer ma vie à l’ombre des tours (et des cyprès) qui pendent.
Quelques années plus tard, j’ai obtenu une licence en Lettres Classiques et j’ai commencé à travailler avec Carmine Ampolo et son équipe, en participant à plusieurs reprises aux fouilles sur l’agora de Segesta : et voici que la Sicile s’est transformée dans un paysage familier. Ayant décidé que je voulais m’occuper de cultes et de religion, je me suis déplacée à peine de quelques kilomètres pour consacrer ma thèse en M2 (oui, oui, en Italie on fait une thèse pour le M2) à Éryx.
Ici, du Vème siècle avant au IIème siècle après J.-C., une déesse a été vénérée sous les noms d’Aphrodite d’abord, d’Astarté ensuite et finalement de Vénus. Au fil des siècles, en outre, son culte n’a pas cessé de gagner en importance et s’est répandu très largement sur le pourtour de la Méditérranée. Mon travail a consisté à reconstruire l’histoire de ce culte et de sa diffusion, tout en essayant d’expliquer les raisons de son succès et de dégager les principaux domaines d’action de cette puissance divine. Le jour de la soutenance, le jury m’a invitée à publier rapidement les résultats de cette recherche : je crois que je n’aurais pas pu être plus heureuse en ce moment ! Et donc, en bonne jeune fille ignare de la vie, j’ai décidé de commencer une thèse de doctorat…
Or, je ne vais pas m’étendre longuement sur les affres de la vie de thésard, car il existe déjà une large littérature sur le sujet. Parmi mes références favorites, vous pouvez consulter les pages écrites par Maël Goarzin dans son carnet de recherche, l’immanquable Ciel mon doctorat !, la BD Carnets de thèse de Tiphaine Rivière et, en anglais, l’immortel Piled Higher and Deeper (PHD Comics). Dans mon cas, ça a été une aventure de plus de 10 ans, dont je vais me contenter de résumer seulement les faits saillants.
Premièrement, comme je voulais continuer à étudier les polythéismes anciens, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour rejoindre la Mecca des études sur la religion grecque et romaine : Paris.
Après plusieurs séjours de courte durée, j’ai travaillé deux ans en tant qu’ATER au Collège de France sur la chaire de John Scheid, mais je me suis rapidement retrouvée dans une impasse. J’avais consacrée les premières années de mon doctorat à la révision de ma thèse en M2, qui venait tout juste d’être publiée comme monographie. C’était une excellente nouvelle, mais l’arrivée du carton avec les exemplaires qui m’étaient destinés m’a provoqué moins de joie qu’il aurait dû. Je n’avais encore presque rien fait pour ma thèse en doctorat, qui portait sur un sujet différent, alors j’en était au point où j’aurais dû être proche du bout.
Vu qu’il n’était pas question de rentrer chez mes parents, au chômage, pour terminer une thèse qui n’était même pas encore commencée, il me fallait trouver un travail. L’enseignement était le choix le plus naturel, vu mon parcours, mais le recrutement dans le secondaire était complètement bouché en Italie (et il allait le rester pour au moins 5 ans encore). Paradoxalement, en France c’était plus facile, même si le Français n’était pas ma langue maternelle. Ainsi, j’ai passé d’abord le Capes (2014) puis l’agrégation (2017) de Lettres Classiques et j’ai commencé à enseigner dans le secondare.
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J’ai enseigné d’abord pendant un an dans un collège REP à Montereau-Fault-Yonne (« Montereau, Montereau, terminus de validité des tickets Île-de-France »), puis dans le XVIIe arrondissement à Paris dans ce qu’on appelle, dans le jargon de l’Éducation Nationale, un « bahut de porte » (c’est-à-dire situé sur le périphérique et recrutant des deux côtés) et enfin au Collège Pierre Curie de Bondy (93), où j’ai laissé un petit bout de mon cœur quand, 4 ans plus tard, j’ai démenagé à Fontainebleau Avon pour suivre mon compagnon.
Entretemps, en décembre 2019, j’ai finalement soutenu ma thèse et je suis sortie encore une fois du Palazzo della Carovana, siège principal de la Scuola Normale Superiore de Pisa, prête pour le commencement du reste de ma vie.
